Carte postale N°4
« Les
portes de la perception… » William Blake
Marcher l’été, tôt le matin bien avant le lever du soleil,
quoi de plus jubilatoire ? Hier fut caniculaire et la nuit à peine plus
fraîche alors, marcher avant l’apparition du soleil, avant que les rayons ardents
du plein midi corrodent la peau de ceux qui se prêtent au jeu du dévoilement.
Marcher d’un pas vif tandis que les terminaisons nerveuses à
peau affleurée reçoivent l’alternance des courants d’air chauds et glacés. Les
joues reçoivent les oscillations climatiques, qui sous les crocs d’une soudaine
fraicheur se rétrécissent en rognant jusqu’à la dépouille leur surface de peau.
En une abolition du corps, le frissonnement glisse le long du visage et du cou,
gagne les épaules, les bras et même les nerfs. Les perceptions de la réalité
saisonnière nous plongent dans une vulnérabilité tout en favorisant le
surgissement de la pensée, comme si l’affrontement l’accroissait vers un infini.
Pourvus d’un esprit mélancolique nous anticipons l’hiver. Un
hiver luciférien, en imaginant nos nerfs s’arquer en une lutte qu’aucun feu ne
viendrait apaiser. Et c’est dans cet affrontement que l’idée du dessin advient
selon le destin de son surgissement, ou pas. Alors sur les chemins qui bordent
le littoral, d’avant lever du soleil, sous l’avancée des lignes nous titubons notre
dessin, pétris de douleur, et si peu de joie, en récitant ces quelques bribes d’une
lettre du 24 avril 1852, de Flaubert adressée à Louise Collet.
« J’ai entrevu quelquefois (dans mes grands jours de
soleil), à la lueur d’un enthousiasme qui faisait frissonner ma peau du talon à
la racine des cheveux, un état de l’âme ainsi supérieur à la vie, pour qui la
gloire ne serait rien, et le bonheur même inutile. »