Carte postale N°6
Un jardin failli
L’enfant dort, la tête posée sur un coussin blanc. Les
cheveux de cuivre s’ourlent en boucles compactes. La bouche boudeuse carminée
se referme dans les clôtures du monde. Les bras repliés en une immobilité non
feinte dénotent le geste corseté d’une prime jeunesse. Sans rêve ni pesanteur, il
git. Sous la couverture d’or, précieusement brodée de fleurs et de feuilles recluses
dans les motifs des losanges noués serrés, le buste dénudé s’échappe. Une pluie
constellée de fleurs, mauves, œillets, tulipes, bleuets et d’autres encore aux
couleurs vives diffuse son ornement à même la peau, faisant fi des courbes et
des volumes accentués du petit corps. Plate, elle tombe parallèle au plan du
tableau. Et elle, visage d’albâtre, mains jointes contemple l’endormi. Sa robe
plissée tombe verticale en un trait rouge égal à celui des lèvres de l’enfant. L’ensemble
s’enchâsse dans les profondeurs du fond obscur. Un fond de ténèbres ; une
noirceur sans nuance qui absorbe les contours des figures en un flou et une hasardeuse netteté du dessin que
l’œil doit rectifier, selon le
lieu et la distance où il se place.