jeudi 18 août 2016


Carte postale N°6
 
Un jardin failli


L’enfant dort, la tête posée sur un coussin blanc. Les cheveux de cuivre s’ourlent en boucles compactes. La bouche boudeuse carminée se referme dans les clôtures du monde. Les bras repliés en une immobilité non feinte dénotent le geste corseté d’une prime jeunesse. Sans rêve ni pesanteur, il git. Sous la couverture d’or, précieusement brodée de fleurs et de feuilles recluses dans les motifs des losanges noués serrés, le buste dénudé s’échappe. Une pluie constellée de fleurs, mauves, œillets, tulipes, bleuets et d’autres encore  aux couleurs vives diffuse son ornement à même la peau, faisant fi des courbes et des volumes accentués du petit corps. Plate, elle tombe parallèle au plan du tableau. Et elle, visage d’albâtre, mains jointes contemple l’endormi. Sa robe plissée tombe verticale en un trait rouge égal à celui des lèvres de l’enfant. L’ensemble s’enchâsse dans les profondeurs du fond obscur. Un fond de ténèbres ; une noirceur sans nuance qui absorbe les contours des figures en un flou et une hasardeuse netteté du dessin que l’œil doit rectifier, selon le lieu et la distance où il se place.