vendredi 19 août 2016

Une vague idée - Une vague esquisse - Une idée floue - Une esquisse de bribe - quelque chose en route - un creux - un devenir où pas...

jeudi 18 août 2016


Carte postale N°6
 
Un jardin failli


L’enfant dort, la tête posée sur un coussin blanc. Les cheveux de cuivre s’ourlent en boucles compactes. La bouche boudeuse carminée se referme dans les clôtures du monde. Les bras repliés en une immobilité non feinte dénotent le geste corseté d’une prime jeunesse. Sans rêve ni pesanteur, il git. Sous la couverture d’or, précieusement brodée de fleurs et de feuilles recluses dans les motifs des losanges noués serrés, le buste dénudé s’échappe. Une pluie constellée de fleurs, mauves, œillets, tulipes, bleuets et d’autres encore  aux couleurs vives diffuse son ornement à même la peau, faisant fi des courbes et des volumes accentués du petit corps. Plate, elle tombe parallèle au plan du tableau. Et elle, visage d’albâtre, mains jointes contemple l’endormi. Sa robe plissée tombe verticale en un trait rouge égal à celui des lèvres de l’enfant. L’ensemble s’enchâsse dans les profondeurs du fond obscur. Un fond de ténèbres ; une noirceur sans nuance qui absorbe les contours des figures en un flou et une hasardeuse netteté du dessin que l’œil doit rectifier, selon le lieu et la distance où il se place.

mercredi 17 août 2016



Journal de chien

17 Août 

Il a fallu tant de courses à pieds sanguinolents pour libérer les broussailles d'une rétine encombrée de traits épineux...

 

mardi 16 août 2016

Carte postale N°5


 
Fiction de nuage 


Ici. Au gré des saisons, nous nous sommes familiarisés avec les nuages qui drapent l’azur du ciel, de couvertures et d’arabesques inégales. Éther diapré de plomb irisé de vert et de jaune, parfois de noir menaçant, accompagné d’une horde houleuse enténébrée de froid, de pluie et de vents cinglants. Mais là. La charge cavalière des nuages terrasse et gomme la substance des montagnes à grands traits frottés. Les pointes acérées des pitons s’émoussent et impriment sur le grand livre du ciel une géographie inédite, comme si le massif prenait d’un coup plusieurs millénaires, nous laissant médusé face à tant d’assauts obstinés. Mais ce qui nous surprend, ce ne sont pas les innombrables métamorphoses de ce relief, mais le tour plein de malice que ces nuages jouent à notre imaginaire. Un imaginaire riche de fantaisies résiduelles de westerns spaghettis, visionnés maintes fois à l’âge de l’adolescence en rêve d’ailleurs et avide d’épopées fracassantes où les pâles cowboys affrontent les Indiens aux visages burinés par les frottements des astres, et dont les ancêtres, du bord de leur royaume d’ombre soufflent sur leurs vivants les signes d’une résistance au déclin.
Alors, face aux volutes gonflées d’impalpables nuages à la conquête d'un ciel s’élevant vers les silhouettes évanescentes des sommets, nous nous prenons à imaginer les signaux que les Indiens par-delà les montagnes adressaient à leur communauté ou vers quelques Dieux, suffisamment puissants pour que nos cœurs se répandent en de longs lamentos.

dimanche 7 août 2016

Carte postale N°4
 
 
« Les portes de la perception… »  William Blake

Marcher l’été, tôt le matin bien avant le lever du soleil, quoi de plus jubilatoire ? Hier fut caniculaire et la nuit à peine plus fraîche alors, marcher avant l’apparition du soleil, avant que les rayons ardents du plein midi corrodent la peau de ceux qui se prêtent au jeu du dévoilement.
Marcher d’un pas vif tandis que les terminaisons nerveuses à peau affleurée reçoivent l’alternance des courants d’air chauds et glacés. Les joues reçoivent les oscillations climatiques, qui sous les crocs d’une soudaine fraicheur se rétrécissent en rognant jusqu’à la dépouille leur surface de peau. En une abolition du corps, le frissonnement glisse le long du visage et du cou, gagne les épaules, les bras et même les nerfs. Les perceptions de la réalité saisonnière nous plongent dans une vulnérabilité tout en favorisant le surgissement de la pensée, comme si l’affrontement l’accroissait vers un infini.
Pourvus d’un esprit mélancolique nous anticipons l’hiver. Un hiver luciférien, en imaginant nos nerfs s’arquer en une lutte qu’aucun feu ne viendrait apaiser. Et c’est dans cet affrontement que l’idée du dessin advient selon le destin de son surgissement, ou pas. Alors sur les chemins qui bordent le littoral, d’avant lever du soleil, sous l’avancée des lignes nous titubons notre dessin, pétris de douleur, et si peu de joie, en récitant ces quelques bribes d’une lettre du 24 avril 1852, de Flaubert adressée à Louise Collet.
« J’ai entrevu quelquefois (dans mes grands jours de soleil), à la lueur d’un enthousiasme qui faisait frissonner ma peau du talon à la racine des cheveux, un état de l’âme ainsi supérieur à la vie, pour qui la gloire ne serait rien, et le bonheur même inutile. »