Ça a à voir avec les chiens féraux. Ils tracent une route
sans esprit d'indécision, ni concertation préalable. Néanmoins, aucune route
nommée ne leur résiste. Ils courent, flairs en alerte, gueules ouvertes, baveuses
et fumantes, rouges écrins offerts au nacré dépoli des crocs usés ; déviant leur
trajectoire dès qu'un effluve humain taquine leur muqueuse vibratile. Libres ou
pas. C'est ça l'esprit des féraux, qui se
laissent happer par la nuit et se replier dans l’ombre du jour. Fuir le déjà
connu, à l’affût de ses indices pour ne plus le connaitre à nouveau. Et si l’un
se détache du groupe, les autres ne détournent pas la tête, ils poursuivent la
route qui ne se nomme pas. Et si l’un se détache du groupe pour arrêter la
course éperdue, ne fût-ce qu’un instant, y laisser sur la rétine s'imprimer une seule image. Une image choisie, cadrée ; celle d’un port de pêche désaccordé,
en noir et blanc, vide d’activité humaine, saturé de cris d’oiseaux qui se pourchassent
dans le ciel outremer du levant. Celui-là s’est arrêté, ancrant fermement sa présence
fauve sur quatre pattes musclées d'avoir trop couru dans la ville rebelle. Celui-là
n'a pas vu l'éclair fatal trouer l'ombre nocturne de sa contemplation.